Ils étaient de Zara - suite 6
ALEXAN
AGHADJANIAN (mon grand-père maternel) et son épouse ZARMAN GARABEDIAN avaient
deux enfants : une fille MANIA (ma mère) âgée de 6 ans en 1915, et un garçon VAHé, nouveau-né.
Aléxan, mobilisé dans l'armée turque, était affecté, comme
beaucoup de ses camarades, aux services de maintenance. Le travail qu'il devait
assumer consistait à la remise en état des chemins et des routes permettant
l'acheminement des troupes turques et du matériel militaire vers le front
russe. Ces jeunes Arméniens, soldats sans armes, sans moyens de résistance,
étaient, isolément ou par petits groupes, victimes des assassins.
Alexan, afin d'éviter le sort réservé à ses compatriotes, prendra
la décision de déserter et de s'enfuir. Après plusieurs mois de vie
clandestine, il parviendra à Constantinople, d'où il pourra émigrer vers les
Etats-Unis. Il sera un des rares rescapés Arméniens mobilisés dans l'armée
turque.
Les
ARABCHIAN demeuraient un peu à l'écart, à l'entrée du village. La mère se
prénommait GULIZAR. Ils avaient trois enfants : deux garçons, MANAS et GARABED,
et une fille, VARTANOUCH ( elle épousera mon oncle Ohanès). Leur père sera enlevé et assassiné.
Avant la
Déportation générale, la situation dans le vilayet de Sivas était semblable à celle de Trébizonde et d'Erzéroum.
Des bandes organisées pillaient les villages. Les gendarmes, sous le prétexte
de chercher des armes, pénétraient dans les maisons, pillaient tout, violaient
les femmes et torturaient les paysans pour obtenir de l'argent. Tous ceux qui
se plaignaient étaient arrêtés. Tous ceux qui étaient aptes au service armé,
même ceux qui s'étaient rédimés en payant le « bedel », c'est-à-dire la
taxe d'exemption (environ 800 marks par tête), furent recrutés et envoyés comme
portefaix ou pour travailler sur les routes.
Lorsqu'on
apprit que les portefaix périssaient d'épuisement et d'inanition, et que ceux
qui travaillaient sur 1es routes avaient été tués par leurs compagnons
musulmans, beaucoup de ceux qui n'avaient pas été incorporés s'enfuirent sur
les montagnes, et le gouvernement fit brûler leurs maisons. Dans ce vilayet,
comme dans les autres, on procéda au désarmement systématique de la population
arménienne, avant d'en venir aux massacres et à la Déportation. Le désarmement,
dans les villages, eut lieu de la façon suivante - les gendarmes cernaient le
village et exigeaient, suivant leur caprice, deux ou trois cents armes à feu.
Si le maire et les anciens ne pouvaient en apporter qu'une cinquantaine,
aussitôt les notables de la localité étaient emprisonnés et soumis à la
bastonnade. Dans la ville de Sivas, on donna cinq heures pour livrer les armes.
Trouvait-on ensuite dans les maisons quelque chose qui ressemblait à une arme,
on brûlait les maisons et l'on en tuait les habitants.
Extrait de
« Rapport Secret sur les Massacres d’Arménie » du Dr Johannès Lépsius.