Ils étaient de Zara - Suite 14
Ces
difficultés matérielles amplifieront leur détermination à bâtir une maison. Et,
en octobre 1932, est achetée une maisonnette de trois pièces entourée de vignes
sur une superficie de 1200 m2, dénommée la Campagnette dans la
quartier Clos Saint-Véran. Cette petite maison ne sera pas habitée, elle
servira de base pour la construction d’une grande bâtisse qui deviendra La
Maison Jaune. Cette propriété fut achetée à M. Boudou pour la somme de 20.000
Francs, dont 10.000 Francs à crédit avec intérêt de 5% l’an. Le remboursement
de cette dette s’achèvera en 1937.
A titre
comparatif, les salaires journaliers des années Trente oscillaient entre 10 et
20 Francs. Cependant, les ouvriers carreleurs payés à la "tâche"
pouvaient prétendre améliorer leurs salaires s'ils fournissaient un bon
rendement et effectuaient des heures supplémentaires. Mais au prix de quels
efforts ! L'ouvrier de production travaillait en permanence dans l'humidité et
le vacarme assourdissant des machines, dans des locaux non chauffés en hiver.
Avec des cadences accélérées pour sortir davantage de carreaux des moules. Du
ciment plein le corps et les doigts qui gerçaient.
Dur
travail pour les hommes. Ereintant pour les femmes. Mania et Vartanouch
auraient souhaité, quelquefois, un peu de répit. Mais les congés payés et les
congés maladies n'existaient pas encore.
Le
remboursement de la dette et le financement des matériaux nécessitaient des
sommes considérables. Malgré la fatigue et les indispositions, tous devaient
être sur le pont. Les rares temps libre et les jours de repos étant occupés par
la construction de la maison que l'on voulait solide et spacieuse afin
d'accueillir, dans le meilleur confort, toute le famille.
Kaloust, dont on avait majoré l'âge pour pouvoir être embauché en
usine, sera bientôt dégagé de sa condition d'ouvrier, quand il fut décidé de le
mettre en apprentissage. Il sera envoyé à Marseille, chez Varjabed Djéranian (cousin de Tourvanda) où il apprendra le métier de
tailleur.
Cependant,
malgré les difficultés quotidiennes, la fatigue, la promiscuité, leur existence
n'était ni morne ni triste. Jeunes et débordant de vitalité, ils avaient, en
eux, l'espoir et la joie de vivre.
Une sincère convivialité les animait et les prétextes étaient nombreux pour faire la fête. La communauté étant relativement jeune, fiançailles, mariages, naissances et baptêmes se succédaient, entraînant les festivités.
1934, en
Juillet, un événement heureux se produisit par la venue de Krikor. Pendant huit ans, il avait vécu
au Caire, où, il partageait son temps entre son emploi dans la photogravure et
des activités sportives, bien entouré et estimé de nombreux amis.
Le bonheur
de se retrouver, après tant d'années de séparation, fut immense et se manifesta
dans la liesse. Tout Barles participa aux réjouissances qui durèrent jusqu'à l'aube,
en son honneur. A l'issue de son visa touristique de un an, il aurait dû
retourner en Egypte. Mais, les liens familiaux, très forts, le retiendront en
France, malgré le regret et la tristesse de devoir se séparer de ses meilleurs
camarades.
Les quatre
frères étaient désormais réunis.
En 1934,
la construction achevée du rez-de-chaussée et du Ier étage de la nouvelle
demeure (le 2ème étage sera habitable en 1939) permit à la famille
de s'y installer et d'en louer une partie à des locataires. Dans cette
résidence, qui deviendra La Maison Jaune où tant d'événements intenses se
produiront, la famille allait se développer et s'accroître par de nombreuses
naissances.
Cette période marque le début d'une prospérité relative, d'autant qu'en 1936 (année de naissance de Julien, Minas) le Front Populaire apportera une amélioration considérable, notamment par l'augmentation des salaires et l'instauration des congés payés.